(...)
Comme vous
Mais pas tout à fait comme vous
Comme vous je possède une race un pays
Comme vous j’ai la chair couverte d’une peau
Mais pas tout à fait comme vous car cette peau
est de couleur cuivrée très sombre et très indienne
disséquée par votre imagination obscène
qu’un jour j’écorcherai en guise de cadeau
pour ma libération et votre enchaînement
Comme vous j’ai un visage des expressions
Comme vous j’ai des sensations des émotions
des yeux des paupières des papilles un nez
des oreilles un cou comme vous je suis née
avec l’envie de vivre dans la séduction
Mais pas tout à fait comme vous je vous souris
c’est mon arme il en existe cent des sourires
ici peut-être plus, au Cambodge en Asie
nous sourions même quand nous faisons le pire
nous sourions pour ne jamais devoir pourrir
devant l’image que vous vous faites de nous.
Comme vous j’ai des mains des doigts,
comme vous des phalanges des ongles
des jambes des pieds comme vous des muscles
Mais pas tout à fait comme vous mes pieds mes mains
car entretenus à l’extrême pour les danses
royales des cours khmères autrefois rayonnantes
dont vous faites un folklore pour vos ambiances
vos soldats vos chercheurs vos postures savantes
quand j’exécute une pointe que mon poignet tourne
quand ma tête fige une déesse un héros
un oiseau quand mes doigts sont fixés vers le ciel
chacun détaché de l’autre pour illustrer
sur scène notre version du Ramayana,
plus concis plus humain plus fort, le Reamker,
alors surgit la lignée divine des Khmers
apparaît contre vous ma race guerrière.
Comme vous je parle une langue bien aimée
la vôtre, j’écris j’entends je parle en français
Mais pas tout à fait comme vous je la manie
car je dis en français la haine des Français
j’ai assujetti la langue de l’ennemi
je fais dire à ces lettres noires sur fond blanc
la haine des caractères blancs dominant mon fond noir
mon peuple jaune
si jeune par le sang l’esprit le sexe les armes
couche avec vous à travers moi
et je m’attaque à vos femmes et vos enfants
devenant votre femme et portant vos enfants
vous disparaîtrez tous aimés ou fusillés
Entre nous deux un seul milieu un seul endroit
nous réunit et c’est ici et c’est la guerre
le lit le champ de bataille est notre noce
je vous tuerai intensément avec passion
en retour vous tenterez de m’assassiner
à nouveau comme avant mais il sera trop tard
vous douterez de votre geste vous hésiterez
vous laisserez s’enfuir une telle occasion
votre main au seuil de ma poitrine
s’interrogeant sans cesse et se perdant
car vous êtes devenu faible mon amour
Blanc vous êtes le vautour changé en esclave
vous êtes le maître transformé en colombe.
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