
Des titres de chansons ont été donnés aux deux parties de ce roman. Here Comes the Sun fait ici référence à la reprise de la chanson des Beatles par Nina Simone en 1971 dans l’album éponyme. The Last Rose of Summer est
un poème de Thomas Moore, adapté en chanson par de nombreux artistes
dont Nina Simone en 1964 dans son album Broadway-Blues-Ballads.
Maquette de couverture : Florine Synoradzki
Photographie bandeau : © Bastian Fischer/plainpicture
ISBN : 978-2-7096-6961-0
© 2022, éditions Jean-Claude Lattès
Première édition février 2022
www.editions-jclattes.fr
Ce document numérique a été réalisé par PCA
Du même auteur :
La Dérobée, Anne Carrière, 2018.
Les Corps conjugaux, JC Lattès, 2020.
À tous les Richard, Eddy,
Yvan et Nathalie qui ont croisé mon chemin.
À Pierre-Hugues.
« Mais
la traîtrise et la violence sont des lances à deux pointes ; elles
blessent ceux qui y ont recours plus grièvement que leurs ennemis. »
Emily Brontë,
Les Hauts de Hurlevent.
Prologue
17 mai 2003
La
salle du restaurant se met à chanter, le bois de la table bat sous ses
doigts. Ana aussi fredonne. Un air de cet été-là. Elle est si belle, si
frêle. Les yeux de Paul s’attardent sur la mousseline qui colle à sa
peau, sur les taches de sueur qui plissent légèrement le tissu de sa
robe blanche et soulignent cette rondeur du ventre qui s’échappe. Depuis
quelques minutes, la pluie a cessé sa course molle et le ciel
s’éclaircit.
Ana est devenue sa femme.
Ana Daumas, épouse de Paul Daumas.
C’est joli.
Ça sonne.
La
chanson s’achève. Les convives se rassoient face à la meringue
italienne accompagnée de ses choux pistache et citron vert. Ana et Paul
n’ont pas souhaité de pièce montée, ils voulaient un mariage simple.
Depuis
la cérémonie à la mairie, il y a bien eu un bref discours de sa sœur
Cécile, une chanson écrite par les deux témoins et un poème lu en
tremblant par Blanche. Mais rien de plus. Un clapotement. Ils sont
seulement douze. Leurs meilleurs amis, sa mère, ses beaux-parents,
Cécile, son mari et leurs deux filles.
Paul
regarde la mère. Ce matin, son visage hâve est passé entre les mains
d’une esthéticienne. Les fards agrandissent son regard, colorent les
petits os saillants de ses joues et lui donnent un air vivant, presque
gai. Le maquillage comme une manière de voiler la vérité, de s’en
défaire. Pourtant, quand Blanche est venue le féliciter tout à l’heure,
sa voix, elle, avait l’âpreté d’un chagrin trop longtemps remâché. Paul
croit qu’elle ne pouvait pas s’en empêcher. Penser au père, à son
absence. Au refus que Paul, son propre fils, a eu de lui. En ce jour le
plus beau de sa vie.
Un serveur élégant et discret débarrasse les assiettes à dessert et propose des cafés. Ana prend la main de son mari.
Son mari. La chair de poule sur ces deux mots.
Il lui sourit.
Les
yeux d’Ana sont une promesse et Paul se cogne à la forme de leur désir,
les embrasse, baise ensuite ses minuscules phalanges une à une. Il a
envie d’elle, voudrait avaler le temps.
La
pluie cogne à nouveau contre les baies vitrées. Paul n’aime pas ces
étés orageux, il n’aime pas leur côté imprévisible et changeant.
Cependant, au même instant, c’est bien une surprise que lui annonce sa
femme.
— Chut. Ferme les yeux, Paul. Je te réserve quelque chose d’inattendu. À 3, tu pourras les rouvrir. 1, 2, 3.
Devant
lui, un groupe d’une vingtaine de personnes. Des amis. Ceux de la salle
de danse, de l’institut de formation des maîtres. Quelques enseignants
de l’école dans laquelle il travaille. Les anciens voisins de Rennes
chez qui Ana et lui passaient au moins une soirée par semaine à boire
des Cosmopolitan. Sylvain, son vieux copain de fac de lettres. Il y a
aussi Éléonore, la seule personne de son entourage, à part la mère, qui
partage sa passion pour la danse de salon.
Ils
viennent tous le serrer contre leur torse, lui dire un mot gentil,
tapoter son crâne avec affection. René, son vieux professeur de piano,
est même venu jusqu’ici. Ana jubile. Paul comprend qu’il y a longtemps
qu’elle prépare son cadeau.
Et soudain, un peu en
retrait, il reconnaît Pierre-Henri, son camarade d’école primaire puis
de collège, perdu de vue depuis des lustres. Lui reviennent en mémoire
son pas lourd, ses dents serrées dans des bagues, ses pulls jacquard en
laine qui gratte. Une autre histoire, un recoin du temps. Oubliés. Au
fond des os.
Et à côté de lui, il est là. Joseph. Joseph Kahn.
Paul
écoute le chant surgissant du passé. Quelque chose d’indéfinissable
l’atteint et écrase la lueur du moment. Il pense à ces jours vécus
ensemble, ces jours uniques parce qu’ils ne reviendraient plus.
HERE COMES THE SUN
1983 – 1984
On est en 1983. Et pour être plus précis, l’été 83.
En
ce mois de juillet, la température pouvait atteindre les 30 degrés. Une
chaleur ardente, éreintante. Il est peut-être 22 ou 23 heures et Paul
se revoit avec une netteté surprenante : allongé sur son lit, enfermé
dans ses quatorze ans et crevant d’ennui. Des jours à rallonge, sans que
rien ne survienne. Comme si l’existence n’avait rien prévu pour lui ou
alors quelque chose qui le dépassait.
Heureusement,
Olivia Newton-John et John Travolta étaient coincés dans une cassette
qu’il se passait en boucle. Et puis il savait qu’un jour, il réussirait à
danser comme Danny Zuko. Ça le faisait tenir.
2 juillet 1983
Le week-end commençait.
Parées
de leur vernis estival, les lumières du petit matin tremblaient sous le
grand chêne. Les voisins avaient sorti la tondeuse à gazon, le robot
autonettoyant de la piscine et les glaces Miko. On distinguait aussi les
cris agacés des mouettes dans les pointes luisantes qui fendaient les
nuages.
Comme à son habitude, le père avait
délaissé la mère, les couronnes et les bridges dentaires pour son fusil
et sa camionnette blanche aux essieux crottés. C’était la période du tir
anticipé et Charles Daumas faisait partie des quelques privilégiés
détenteurs d’un permis de chasse consenti par le préfet. Sangliers et
chevreuils rempliraient bientôt le coffre de son utilitaire puis l’un
des deux congélateurs du sous-sol.
Chaque dimanche
de la saison, Charles aimait retrouver cette camaraderie virile, l’air
qui s’engouffre dans le corps, l’animal à sa merci. Il aimait enfoncer
ses bottes de caoutchouc dans l’aurore rose, sentir son humidité goutter
dans les cheveux. Odeur d’humus et de boue, muscles tendus et fiers, il
rentrait dans
les bois et leurs sauvages profondeurs comme on pénètre dans une
église, à 11 heures tapantes, pour rencontrer le Tout-Puissant. La forêt
est une prière qui sauve, disait-il.
Paul
se rappelle que Charles l’y avait emmené une fois. C’était un matin de
la fin octobre 1981. Père et fils y étaient allés avec une patrouille de
chasseurs. Juste avant de partir, le père avait fait promettre à Paul
de rester silencieux. La chasse exige calme et concentration et puis, si
ses amis toléraient sa venue, Paul ne devait pas se faire remarquer.
Quand Charles avait dit ça, le garçon avait saisi la honte du père.
Depuis qu’il sait parler, Paul est bègue. Et même si les choses
s’étaient arrangées avec les années d’orthophonie, il lui arrivait
encore de buter sur des mots.
Genoux fouettés par
les branches et les hautes herbes, corps en avant, les hommes et
l’enfant avaient marché un long moment dans les replis forestiers de ce
bord de nationale. On approchait de la Toussaint et il faisait froid. On
voyait encore la lune. Sa lueur sèche et blafarde s’écoulait sur les
bois et Paul avait le sentiment d’être là par effraction. Leurs dos
courbés par les carabines, leurs grosses mains plaquées à leurs
cuisses, les chasseurs avançaient en silence. À chaque fois que les
coudes de Paul frôlaient les feuilles des arbres d’un peu trop près, le
père se retournait et lui lançait un regard dur.
Au
cours d’une de leurs haltes, Charles avait quand même autorisé Paul à
porter son Beretta en bandoulière. Un court instant, le fils avait
décelé une once de fierté dans les yeux du père, une sensation qu’il
avait tenté de garder en bouche le plus longtemps possible. Pour la
première fois sans doute, il se trouvait sur son parcours. Sur la même
ligne, le même front, la même lutte. Enfin, il le rejoignait dans son
monde.
Il était à peine 6 heures quand ils
arrivèrent à l’endroit prévu. Le vent s’était levé et il tordait le
cœur du garçon. De la fumée blanche sortait de ses narines, l’air gelé
coupait la chair de ses joues. Paul ne voulait pas être ici mais il ne
pouvait pas, une fois de plus, décevoir Charles.
Et
puis tout à coup, le signal fut lancé et les yeux des uns et des autres
se mirent à scruter, dépister, débusquer. Le père et Michel Varauch, le
maire dont Charles était le premier adjoint, menaient la traque.
Observateurs fiévreux, ils semblaient faire corps avec la forêt,
s’infiltrant en elle, remontant la piste noire et mouillée, fondus en un
seul et même objectif.
C’était un mauvais moment
pour qu’un picotement s’insinue dans la trachée. C’était un mauvais
moment et pourtant Paul fut pris d’une longue quinte impossible à
retenir. Cette fois, Charles lui adressa un signe de tête qui
ressemblait à une morsure. Paul comprit qu’il regrettait.
Le père ne l’emmènerait plus avec lui.
Quelques
minutes après, une biche fut tirée et son cri de mourante jaillit dans
l’air sombre. Une clameur que Paul n’oublierait jamais, presque une
voix. Et tandis qu’ils s’approchaient du corps rouge et dolent de la
bête, cette phrase que monsieur le maire lui asséna en souriant :
— Ton père, c’est un tueur-né.
9 juillet 1983
Saleté de fusibles.
Le disjoncteur avait sauté dans la nuit. La mère râlait.
Le
compteur n’était plus aux normes, on était samedi et l’électricien
demeurait injoignable. Le père était parti pour deux jours en congrès.
Invitation annuelle d’un gros fabricant de prothèses dentaires. La
télévision ne fonctionnait pas et ça, très précisément ça, Blanche
Daumas était incapable de le supporter. C’était au-dessus de ses forces.
Ma sorcière bien aimée, L’âge heureux, Belle et Sébastien, Janique Aimée.
Il y avait de longues années déjà, depuis l’enfance peut-être, que la
mère ne pouvait plus se passer de leurs personnages, de cet amour sans
angles qui les unissait. Elle en savourait la forme ronde, lisse,
enveloppante. Une douceur de dragée qui donnait souvent à Paul l’envie
de pleurer et qui, il le voyait bien, rougissait aussi les yeux de
Blanche.
Mais ce que Cécile et Paul préféraient par-dessus tout, c’était une série américaine qui passait depuis un an sur la première chaîne. Pour l’amour du risque.
Ils n’en manquaient pas un épisode. Chacun à leur manière, le frère et
la sœur admiraient le couple formé à l’écran par les personnages
principaux, des détectives richissimes qui parvenaient à déjouer les
plus folles intrigues. Février, leur petit chien gris au long poil
soyeux, faisait particulièrement rêver Cécile et à la moindre occasion,
la petite sœur suppliait Blanche de lui en offrir un semblable. Paul,
lui, était touché par la relation entre les époux, par ce que tour à
tour, l’un pouvait susciter d’émerveillement chez l’autre. Il aimait
leur prévenance, leur proximité, leurs facéties complices. Il aimait
l’idée d’un amour comme celui-là.
Lui aussi, un
jour, lorsqu’il serait plus grand, il tomberait amoureux d’une fille
comme l’héroïne, Jennifer Hart. Il la choierait, lui offrirait des
montagnes de fleurs et de bijoux, lui écrirait des lettres et des
poèmes, l’emmènerait dans les restaurants chics où les serveurs ôtent
les manteaux des dames avec déférence et délicatesse. Il lui préparerait
des petits-déjeuners au lit sur un plateau d’argent. Croissants chauds,
orange pressée, café italien avec de la mousse. Et même, il ferait
tournoyer sa robe à volants sur la piste de danse d’un immense bateau de
croisière. Sa Jennifer serait aussi jolie que Blanche. Mais, lui, il ne
la laisserait pas s’étioler comme le faisait Charles avec sa femme, il ne froisserait pas les mots doux du début, il les garderait en vie. La fille qu’il choisirait serait son unique joyau. Il se l’était promis. Il était prêt, il n’attendait plus qu’elle.
Une torpeur sans joie. Il n’y avait pas d’autres mots pour décrire ce début d’été.
Chaque
matin, le pied à peine posé sur le parquet, Paul se demandait ce qu’il
allait bien pouvoir faire de tout ce jour qui restait. Il n’y avait
personne pour réveiller les murs de granit et les fenêtres en berceau de
la maison bourgeoise, personne pour ne serait-ce que les entrouvrir,
pour brasser un peu d’air et de salive.
Quand il y
songe aujourd’hui, Paul dirait que les moments passés ici se résumaient à
quelques objets et lieux marquants. Des chaussures qu’on tenait à la
main avant de rentrer, des patins glissés sous les chaussons, des portes
qu’on se retenait de claquer, un mystérieux bureau toujours fermé à
clef, une cuisine qui sentait encore le neuf et abritait des repas
silencieux. En vérité, au sein du foyer, il n’existait au mieux que des
bruits de pas dans les couloirs, parfois aussi quelques chuchotements.
Avec Cécile, à la fenêtre. Leurs regards d’enfants se perdant vers la
rue et l’impeccable jardin.
La plupart du temps confinés dans leurs chambres, il arrivait même que, des journées entières, Cécile, Paul
et la mère stagnent sur leurs lits. Fixant par la fenêtre le ciel
sableux qui rétrécissait doucement. Ou, l’instant d’après, suivant les
couleurs mouvantes d’un écran de télé placé sur un meuble haut, comme
ceux qu’on colle encore aujourd’hui aux murs des chambres d’hôtel ou
d’hôpital.
Des jours et des jours à se dire que rien ne doit déborder.
Des jours et des jours où tout déborde.
Mais
il ne fallait surtout pas se plaindre. Les Daumas étaient beaux, ils
possédaient une belle maison à tourelle, une belle situation, une belle
vie, et la beauté, on n’a pas le droit de l’endommager, encore moins de
la salir. Blanche ne l’aurait pas permis. Ses parents l’avaient élevée
dans l’idée que beauté et douleur ne pouvaient pas cohabiter alors elle
en avait pris son parti. Ses enfants aussi. On doit avoir l’air heureux
quand on est beau et riche.
Rien à faire. L’électricien tardait à arriver. Seul
avec Cécile, Paul prenait son déjeuner. L’eau du thé se consumait
lentement dans une casserole oubliée sur le gaz. La mère, trop
préoccupée par cette histoire de panne, avait renoncé à faire à manger
et Paul regardait surnager ses corn-flakes en transpirant. Il faisait de
plus en plus chaud. On n’était pourtant que début juillet. Pour faire
passer les épreuves du BEPC aux troisièmes, le collège avait fermé ses
portes depuis quinze jours et renvoyé les élèves chez eux.
Mais
pour Blanche, tout ça, c’était du grand n’importe quoi. Un diplôme qui
ne valait plus rien, des adolescents contraints à l’oisiveté dès la
mi-juin :
— Ça donnera rien de bon. Ah oui, Paul, crois-moi, on s’en mordra les doigts !
Du
matin au soir, les mêmes rengaines maternelles roulaient les unes sur
les autres. Du remplissage, sans texture ni racine. Des particules d’air
qui palpitent.
Toujours un mot aimable pour les
voisins, un vocabulaire choisi, le ton patiné, quand elle sortait,
Blanche Daumas ressemblait à une bourgeoise de film
américain – le genre qui sait dresser une table et tenir des
conversations avec des gens importants. Une femme que l’on croise chez
le fleuriste et que l’on trouve agréable mais avec qui il semble
difficile de rentrer en intimité. Souriante et avenante, mais
impénétrable.
Robe droite bleu marine ou beige
repassée pli à pli, blazer à épaulettes, chignon serré, ballerines
plates aux couleurs assorties : elle n’avait que la trentaine mais
s’habillait déjà comme une dame. Et même en ce mois de juillet, tandis
que le thermomètre avoisinait les 30 degrés, Blanche continuait de
porter collants fins et chemisier à manches longues. Elle n’aurait
surtout pas voulu avoir l’air d’une femme légère. Sous le tissu qui
couvrait la peau nue et fragile, Paul se demandait parfois si la mère ne
cherchait pas à devenir étanche.
En réalité,
Blanche était un paradoxe. Elle se prétendait libertaire mais
interdisait à ses enfants de toucher à tout, de parler à table, de
choisir leurs vêtements. Elle se pensait indépendante mais passait sa
vie à obéir aux ordres de son mari et à attendre qu’il lui fasse
l’aumône d’un peu de son temps.
Charles le lui avait pourtant promis au début. Un petit hôtel à Montmartre, une gondole à Venise, une valse à Vienne.
Ensemble, ils voyageraient. Ils iraient au restaurant,
dans les meilleures boutiques des grandes villes, ils prendraient du bon
temps. Une vie dorée à l’or fin. Mais Charles ne fermait le cabinet qu’à la nuit tombante et quatorze ans après leur mariage, Blanche n’avait encore jamais quitté la région.
Malgré
tout, elle ne semblait pas lui en tenir rigueur. Le soir, lors du dîner
que Charles, rentré trop tard, prenait généralement seul dans le salon
– il avait l’habitude de dire, d’un air supérieurement moderne, qu’il
faisait ses repas « à l’américaine » –, elle se positionnait toujours
derrière lui. Et alors, il fallait la voir… Le corps immobile et les
yeux en alerte, figée de manière à pouvoir remplir son verre de vin ou à
lui débarrasser son assiette au meilleur moment. Une bonniche de luxe.
C’est ainsi que la tante Françoise l’appellerait le jour de la dispute.
En
ce temps-là, Paul ignorait si ses parents s’aimaient encore ou s’ils
s’étaient jamais aimés, mais ce qu’il savait déjà, c’est que Blanche
Daumas ne vivait que pour son mari. Lorsque Charles Daumas se
retournait, il pouvait être sûr que sa femme se trouvait toujours dans
son sillage. Chaque fois que son époux jouait de la trompette dans la
fanfare municipale, chaque fois qu’il prononçait un discours officiel
devant les quelques notables de la commune, elle se tenait là, juste
derrière, rougissant de fierté et d’admiration. Une chaleur inexplicable
dans le regard.
Paul la revoit encore, les soirs de
la semaine, dès la première seconde où la porte du garage se mettait à
coulisser. Se cherchant une posture, les mains dansant dans ses cheveux tout juste gorgés de Shalimar, le corps aspiré par le désir de lui plaire. Flamboyante.
Les ailes collées
–
Sophie de Baere
–
JC Lattès