"Il est nuit. (...)
Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s'effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d'un mot, puis plus rien.
J'ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d'une émotion immense, remué jusqu'au fond de la cervelle jusqu'au fond du coeur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l'île, et je vois se profiler la tête longue d'un peuplier comme le mât d'un navire de Crusoé ! Je peuple l'espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l'horizon de ses craintes, debout contre cette fenêtre, je rêve à l'éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain".
Jules Vallès
l'Enfant, 1879
****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Par Den :
Ecrire un commentaire :
Liens vers ce message :
Créer un lien :