plus volontiers, et qui s'accordent avec eux
- ces moments de bonheur qu'on retrouve dans les poèmes
avec bonheur, une lumière qui franchit les mots
comme en les effaçant - et d'autres choses
qui se cabrent contre eux, les altèrent, qui les détruisent :
comme si la parole rejetait la mort,
ou plutôt, que la mort fît pourrir
même les mots ?
Assez ! oh assez.
Détruis donc cette main qui ne sait plus tracer
que fumées,
et regarde de tous tes yeux :
Ainsi s'éloigne cette barque d'os qui t'a porté,
ainsi elle s'enfonce (et la pensée la plus profonde
ne guérira pas ses jointures)
ainsi elle se remplit d'une eau amère.
Oh puisse-t-il à défaut d'un grand filet
de lumière, inespérable,
pour toute vieille barque humaine en ces mortels parages,
y avoir rémission des peines, brise plus douce,
enfant sommeil.
J'aurais voulu parler sans image, simplement
pousser la porte...
J'ai trop de crainte
pour cela, d'incertitude, parfois de pitié :
on ne vit pas longtemps comme les oiseaux
dans l'évidence du ciel,
et retombé à terre,
on ne voit plus en eux précisément que des images
ou des rêves".
Philippe Jaccottet
extraits de "Parler", in l'encre serait de l'ombre, notes, proses et poèmes (1946-2008)
Poésie/Gallimard n° 470, 560 - 2011 - PP 253 à 255
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