"Cette fois, il s'agissait d'un cerisier ; non pas d'un cerisier en fleurs, qui nous parle un langage limpide ; mais d'un cerisier chargé de fruits, aperçu un soir de juin, de l'autre côté d'un grand champ de blé. C'était une fois de plus comme si quelqu'un était apparu là-bas et vous parlait, mais sans vous parler, sans vous faire aucun signe ; quelqu'un ou plutôt quelque chose, et une "chose belle" certes ; mais, alors que, s'il s'était agi d'une figure humaine, d'une promeneuse, à ma joie se fussent mêlés du trouble et le besoin, bientôt, de courir vers elle, de la rejoindre, d'abord incapable de parler, et pas seulement pour avoir trop couru, puis de l'écouter, de répondre, de la prendre au filet de mes paroles ou de me prendre à celui des siennes - et eût commencé avec un peu de chance, une tout autre histoire, dans un mélange, plus ou moins stable, de lumière et d'ombre, alors qu'une nouvelle histoire d'amour eût commencé là comme un nouveau ruisseau né d'une source neuve, au printemps pour ce cerisier, je n'éprouvais nul désir de le rejoindre, de le conquérir, de le posséder ; ou plutôt : c'était fait, j'avais été rejoint, conquis, je n'avais absolument rien à attendre, à demander de plus ; il s'agissait d'une autre espèce d'histoire, de rencontre, de parole. Plus difficile encore à saisir".
Cahier de Verdure
Philippe Jaccottet
Gallimard, 1990
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Quand un arbre se couvre de fruits comme une femme de bijoux, l'univers en est transformé !
RépondreSupprimerMerci Den pour cette citation !
Dans le ventre de mon arbre
Un vieux cerisier rassurant
Je me suis enroulée
Embryon clandestin
Je suis passée inaperçue
Tu m'as cherchée
Tu as entendu le chant des ramures
Admiré les fleurs blanches au printemps.
Appuyé sur le tronc noueux
Tu as attendu les cerises du bonheur
A l'automne la feuille rousse
A frôlé ta joue
Mais l'hiver venteux est venu
L'arbre n'a plus rien dit
Le silence comme une chape
A refermé les rêves
Sous l'écorce protectrice...
Chercheras tu mes traces
Au delà des ombres du verger
Ecouteras-tu encore
Les mots de vie et d'amour
Murmurés pour que ton monde
Soit encore beau et protégé ?
Dans le ventre de l'arbre
Un vieux cerisier rassurant...
marine D
Bises Den tes cerises me ravissent dans l'attente de ce miracle de la nature !
Merci ma chère Marine pour ce très beau poème où tu rencontres, comme Philippe Jaccottet ce si bel arbre à fruits rouges, un mélange d'ombre et de lumière, de parole.... joyeux souvenir de notre enfance, sur l'échelle à goûter avec gourmandise ces petites drupes à la chair si charnue...
SupprimerMerci pour ta fidélité...
Je t'en brasse fleurie encor' en cOeur !
Den