....bienvenue chez moi


*****
Bienvenue dans mon nouvel espace
"le crayon et la plume"
*****

mardi 19 mai 2020

*Lettre adressée aux humains !


 Les Hirondelles, Oiseaux



"Née à Paris de parents d’origine chinoise, je vous soumets une lettre en forme de fable sur le confinement et, très indirectement, sur la suspicion que les media ou les politiques éprouvent à l’égard des chinois. Alors voici, ma lettre adressée aux humains, écrite par l’animal de votre choix que vous voudrez bien imaginer…

Lettre aux habitants de la terre :

Chers habitants de la Terre,

Les premières hirondelles sont arrivées ce matin dans la clarté du ciel d’avril.

Je suis désormais libre d’éprouver ma neuve audace, de sortir de mon bosquet, de m’aventurer sur l’asphalte alors que vous voilà cloitrés entre vos murs somptueux ou misérables, tapis dans une pièce aveugle ou couchés derrière une simple palissade, prisonniers de vos cours et de vos jardins, de vos interrogations innombrables.

Je suis plus innocent que vous, moins tourmenté. Je ne me demande pas trop de quelle couleur sera le monde quand le confinement prendra fin. Mon cerveau est certainement plus modeste que le vôtre mais je ne suis pas naïf. La nature n’est pas si mal faite. Si l’un de mes sens s’avère défaillant, si je n’ai pas la chance d’avoir l’œil d’un aigle, je peux toujours bénéficier de la finesse de mon ouïe ou de l’odorat développé d’un chien. Mon instinct et mes antennes me permettent de sentir le moment propice, de pressentir et de frémir à l’approche des catastrophes imminentes. Je peux à la fois fuir, attendre, être animé d’espoirs insensés et croire, comme certains d’entre vous, que le temps de la réconciliation entre tous les êtres vivants est peut-être venu.

Derrière la vitre à contempler le dehors d’où vous avez disparu, je vous vois soudain surpris de constater, pas si loin, mon apparition sur le trottoir. Vous êtes aussi mon paysage, le mystère tressaillant à peine voilé par un rideau. Je vous observe. Vous ressemblez à un grand dadais. Je me marre. Mais ça, vous ne le savez pas. Hier, au détour de la courte promenade qui vous est autorisée, vous vous êtes arrêtés net pour écouter le chant d’un oiseau dont vous ignorez le nom. Vous avez vu le scintillement des dauphins dans le port sarde de Cagliari, vous avez aperçu le dos des rorquals, majestueux, surgir des eaux dans les calanques. Ailleurs, dans le pays de Galles, renonçant à votre rage, vous avez sorti votre smart phone et filmé les chèvres sauvages qui ont grimpé sur les murets de votre jardinet pour croquer allègrement les feuilles de vos haies si amoureusement taillées. Je ne suis pas naïf, je vous l’ai dit. Le spectacle de vos balcons n’est pas toujours enchanteur comme ici, à Lopburi en Thaïlande où médusés, terrifiés, vous avez assisté au déchirement sanglant d’une horde de singes autour d’un bout de banane sur la chaussée.

D’autres espèces que la mienne, à l’instar des animaux de la ferme de George Orwell, ont décrété que l’homme est un ennemi. Même si la croyance m’est étrangère, je ne crois pas qu’ils ont raison. Nous ne sommes pas meilleurs que vous. Nous sommes aussi mus par l’intelligence, la bêtise et la vanité des créatures qui peuplent les fables de la Fontaine. Nous pouvons être à la fois la proie et le prédateur. Mais avouez, tout de même, que notre cruauté est rarement gratuite et qu’elle est moins sophistiquée que la vôtre. Jamais ne nous viendrait l’idée de tronçonner la défense d’un éléphant ou de transformer les écailles d’un pangolin en poudre de perlimpinpin. Nous tuons pour nous nourrir, pour survivre. Nous ne stigmatisons pas le pangolin ou sa cousine volante la chauve-souris. Nous assumons parfaitement nos emplettes et nos escapades de première nécessité ; nul besoin pour cela, d’une attestation de sortie dérogatoire. Nous n’avons pas les farfelus fantasmes du chanteur Philippe Katerine, nous n’imaginons pas que nous nous taperons la panse en faisant un burger ou un ragoût de vous. Nous n’allons pas vous conjurer de tous vous mettre à brouter l’herbe de votre champ ou à manger du foin. Les plus malchanceux d’entre nous, comme chez les humains, souffrent, crèvent de faim mais nous ne ravageons pas le règne végétal, nous savons, contrairement à vous, qu’il est parfois plus résistant que nous, plus malin, et qu’il nous est vital. Certes, la tentation, aujourd’hui, est irrésistible. Je le confesse sans complexe. Nous ricanons à la faillite annoncée de votre système de vie mais nous éprouvons de la compassion pour votre sort et, peut-être, pour certains d’entre nous, nous vous aimons car nous sommes conscients, aussi, que vous savez nous protéger.

Pour la première fois dans l’histoire de ce dernier siècle, vos grands espaces à vous se sont réduits.

Mais, pour citer encore Orwell, je fais le rêve que certains animaux ne soient pas plus égaux que d’autres tout comme je fais le vœu que certains hommes ne soient pas plus égaux que d’autres et que la liberté, dans ce bouleversement planétaire, ne soit pas l’esclavage.

Nous ne sommes pas qu’une cuisse de grenouille, un steak haché, un tendre jambon de Parme, un canard laqué, un poisson pané, un sashimi frais comme l’océan, une dinde rôtie croustillante, un agneau de Pâques, un tigre fatigué que l’on admire dans sa cage de fer mais juste de simples habitants de la Terre, comme vous, semblables à de minuscules insectes quand ils sont pris dans l’objectif d’un satellite en orbite, comme vous. Nos voix seront absentes de vos assemblées, ma griffe et celle de mes congénères, demain, ne pourront pas ratifier vos lois. Mais si le confinement a fait naître en vous autant de doutes que d’envies nouvelles, sachez que c’est avec un tout petit peu d’espoir que nous vous laissons la charge d’inventer un autre espace, un peu moins fou, plus juste, pacifié, et qui soit enfin respectueux de tous les vivants".


Brigitte

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Par Den :
Ecrire un commentaire :
Liens vers ce message :
Créer un lien :