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"le crayon et la plume"
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jeudi 21 mai 2020

*Lettre de confinée 12/04/20









 Balade À Vélo, Tour Cycliste, Vélo


"Lettre de confinée. 12/04/20 

Voilà un mois, que nous sommes confinées . 

Hier j’ai malgré tout fait une balade en bord de Garonne en vélo, avec mon attestation. 

Il faisait doux, j’entendais les oiseaux, et l’eau couler. Je regardais les papillons danser . La nature est vêtue de ses couleurs de printemps, du colza sauvage, un champ de coquelicots, même les orties ont sorti leurs fleurs violettes. Il fait doux et le vent chante dans les feuilles. Je me demande comment j’aurais vécu le confinement et le covid à 4 ans,8 ans. On aurait été mes 3 frères et mes parents à la campagne, ensemble ça aurait été doux. 

Mais je ne peux m’empêcher de penser à mes toutes petites qui connaissent cette drôle d’époque bien plus tôt que moi. 

Moi j’ai 36 ans, je suis infirmière, j’ai quitté l’hôpital il y a deux ans. Il m’a beaucoup appris cet hôpital, et m’a tant pris aussi. Je me dis que j’ai bien de la chance d’être confinée comme je le suis, je suis chez moi avec mon jardin et mes filles. 

Je ne suis pas dans le grand Est où mes collègues soignants vivent un cauchemar. Je ne peux qu’imaginer leur désarroi face à ce désastre. Infirmière, je sais qu’on prend le temps qu’on a pas, savoir que tel ou tel patient n’ira pas en réanimation en temps « normal » est insupportable, mais là c’est de la détresse grand format. 

Je me revois deux ans plus tôt pleurer tellement dans le bureau des transmissions que je n’arrivais plus à parler. Tellement ma gorge était serrée, envahie par toutes les larmes que j’avais retenues, qui passaient par-dessus mes barrages fébriles ;et ce flot me submergeait : remontait alors ma fausse couche en service un samedi, où je pleurais dans chaque chambre car je ne pouvais pas partir, personne pour me remplacer alors que mon corps saignait et qu’une lueur s’éteignait dans mon ventre ; je pleurais ce week end de travail où je réconfortais un homme de 60 ans dont la mère mourrait, alors que mon mari venait de perdre la sienne la veille et que je devais travailler car personne pour me remplacer…je pleurais tous mes chagrins, ma mère en réanimation et me faire reprocher de ne pas être disponible pour travailler, je pleurais mon amie de 30 ans qui a laissé une petite de 2 ans et son homme en entendant une histoire similaire dans le service où j’étais ce matin là… je pleurais et me suis dit , je ne peux plus vivre tout cela, cette boule au ventre avant d’aller travailler, se demander qui va mourir aujourd’hui, annoncer à des enfants plus jeunes que moi que leur mère vient de s’éteindre et lui fermer les yeux devant eux. Je ne peux plus pleurer dans les toilettes. 

Alors quand l’hôpital m’a appelé il y a 1 mois pour me demander si je pouvais revenir si besoin pour le plan blanc du au covid, je me suis liquéfiée, car l’idée de remettre les pieds dans ces couloirs me terrifie. Je pourrais, je suis une bonne infirmière, mais je suis passé à autre chose par nécessité pour ma survie, c’est un bien grand mot, quoique…Alors je suis de près l’évolution de cette épidémie terrible, et j’espère ne pas être rappelée. Car je sais ce que ces soignants subissent plus de dommages émotionnels que les applaudissements ne pourront panser ou réconforter. 

Je continue, je roule, je pense au confinement pour mes princesses. Ma tornade de douceur de 4 ans, elle, est à la maison avec sa mère et sa sœur, heureuse. Elle fait des puzzles, peint, jouit de l’innocence de l’enfance dans un environnement paisible. Elle a juste hâte que le « coravirus » ne soit plus là pour inviter ses copines à manger. Elle boude de temps en temps, mais si la plupart des gens râlent avec parcimonie, elle condense tout en une intense fois. Elle se concentre pour froncer ses sourcils car son visage n’est pas habitué, et avec ses yeux bleu azur qui tentent de s’assombrir, ses lèvres retroussées et ses joues rebondies, elle est adorablement insupportable.
Et je pense à ma petite grande ou grande petite de presque 9 ans. Le confinement elle le comprend. Elle comprend tout, entend les informations avec sagesse et inquiétude cachée. Elle, qui quitte miette par miette l’enfance en voulant avoir un téléphone, des lunettes qui font adolescente, en dormant chez ses copines. Ce confinement, et peut être la situation générale si anxiogène, elle s’en protège en replongeant à pied joints dans l’univers enfantin, simple et suave comme une barbe à papa que sa sœur lui offre avec délice. Alors qu’elle délaissait barbies et poupées, un peu par choix, où comme si elle avait oublié le mode d’emploi. Elle redécouvre les cabanes, les peluches et les bêtises…
J’essaie de préserver mes merveilles parce qu’elle vivent tout cela bien plus jeunes que moi…et je ne peux que dire nous vivons une drôle d’époque…
Je roule et je pense à mon mari, infirmier, qui va travailler, parce qu’il est réquisitionné et aux reproches que je lui fais à peine à t’il passé le pas de la porte pour savoir s’il a les mains propres, s’il a désinfecté la poignée de porte…je pense à mes cousines infirmières, amies qui travaillent le peur au ventre.
Je roule et je pense à la chance que j’ai , avec mon épée de Damoclès au-dessus de la tête tant que l’épidémie reste loin de chez moi, je reste chez moi. Je ressens profondément la chance d’avoir des gens qui me manquent, ma famille, mes amis. Je sais qu’une fois finie je serais libre à nouveau et je pense à ces femmes qui sont enfermées avec leur mari maltraitant, à ses enfants pour qui le repas de la cantine est le seul vrai repas de la journée. Et je me laisse absorber par les rayons de soleil sur mes joues et ma gorge sèche. 

J’oublie même par moments que c’est une balade de confinement, que ce sont des moments doux et drôles de confinement, où mes expertes en culotte courte et pleines d’herbes redéfinissent la notion même de bonheur et repointent le curseur vers l’essentiel et quand la réalité me gifle j’ai envie de pleurer, et me dis que nous vivons une drôle d’époque…"


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Par Den :
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