"A ces mots, Lan-Ying ouvre sa paume
et laisse Dao-Cheng y coller la sienne.
Instant de muette communication
et d'extase hors paroles.
L'intimité née de deux mains en symbiose
est bien celle même de deux visages qui se rapprochent,
ou de deux coeurs s'impriment l'un dans l'autre.
La corolle à cinq pétales, quand elle éclôt,
est un gant retourné de l'intérieur vers l'extérieur,
elle livre son fond secret, se laisse effleurer par la brise tiède
qui sans cesse passe,
ou butiner sans fin
par d'avides papillons et abeilles qui accourent.
Entre deux mains, aux doigts noués
le moindre frémissement bruit
de battements d'ailes ;
la moindre pression provoque une onde qui s'élargit
de cercle en cercle.
La main, ce digne organe de la caresse,
ce qu'elle caresse ici n'est pas seulement une autre main,
mais la caresse même de l'autre. Caressant
réciproquement la caresse les deux partenaires basculent
dans un état d'ivresse qui a peut-être été rêvé dans
l'enfance, ou alors dans une avant-vie.
Les veines entremêlées irriguant le désir se relient
aux racines profondes de la vie ;
les lignes entrecroisées qui prédisent le destin
tendent vers le lointain, jusqu'à rejoindre l'infini des étoiles".
François Cheng
Extrait de "l'éternité n'est pas de trop"
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