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"le crayon et la plume"
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vendredi 9 novembre 2012

*A Mandigoule



Pourtant, là à Mandigoule, les paysages sont magnifiquement enneigés l'hiver, d'un froid rigoureux l'été qui pique au nez, mais sain pour le teint, les bronches.

Loin du monde. Protégés.
Juste avant Noël, les routes sont parfois bloquées, mais on prend le chemin quand même.

La route est longue, escarpée, on traîne le pas, à regarder autour de soi, ou, le plus souvent, d'une mesure assurée, vive, et là on se raconte ses histoires, ses secrets de filles, au rythme de la marche et de son rythme cardiaque.

Des histoires maman en raconte à Raymonde, sa presque soeur.

On fait des allers-retours ensemble.
On s'accroche l'une à l'autre.
On rit volontiers quand on a leur âge. De bêtises surtout.

Raymonde P. devenue Raymond Pé.  par son mariage, par la suite, - un beau mariage on disait.

Puis on se perd de vue.

Chacune son chemin, mais on ne s'oublie pas pour autant.
Jamais.

Maman se souvient avec bonheur, malice et délectation des glissades sur le Lignon gelé, glissades évidemment interdites aux enfants, au retour de l'école, et ce avant de rentrer chez soi ; on s'amuse bien avec les copains et les copines ; on a le même âge. On gagne du temps avant le goûter et les devoirs.
C'est le temps de l'enfance.

Celle-ci coule alors, joyeuse.

Par contre, dans un autre temps, moins gai, Camille n'a pas oublié le retard qui lui a coûté la confection d'un beau manteau. Jamais elle n'oubliera cet épisode.


Sa mère nourricière a acheté sur le marché local, une très belle étoffe, chaude, sûrement à un prix imbattable, afin de faire réaliser par une voisine couturière, en réalité la mère de lait de Raymonde, sa presque soeur, un manteau pour l'hiver.

C'est prévu, et Camille est sacrément heureuse. Elle n'a pas eu à choisir la couleur du tissu, imposée par Mme R., mais malgré tout son teint neutre lui convient.

En cachette, elle a entre aperçu la pièce en soulevant une pile de draps bien pliés, en attendant la confection du manteau.

Un nouveau manteau à offrir est un luxe pour Mme R. Camille secrètement pense qu'elle resplendira dans ce ton et sa coupe sobre.

Elle aime les belles choses Camille. Sn oeil s'est aguerri à la beauté, c'est inné en elle, pourtant elle n'a pas eu trop de modèles.. mais elle regarde ce qui l'entoure, absorbe les idées, les choses, et s'en imprègne, telle une éponge.

Tourjours très dure sa mère nourrice, hautaine, pleine d'amertume et de morgue, et maman se souvient "je ne passerai pour personne, même pas pour le Président de la République", c'est ce qu'elle lui disait avec une fierté non dissimulée, sous-entendu, moi seule décide, jamais je ne cèderai, je ne prends en considération aucun désir, aucun sentiment... c'est ainsi.

Bien que respectueuse, Camille ne comprend pas cette obéissance esclavagiste qui ne permet aucune liberté de choix.

Elle n'a pas tenu sa promesse envers Camille,  un retard non autorisé de retour de l'école lui a valu son sacrifice.

Incompréhensible pour maman, invraisemblable pour un si petit retard, et puis elle a suivi le groupe, elle n'était pas entièrement responsable... Pourtant elle avait dit un beau manteau, chaud...

Un coeur, oui, Mme R.. , sûrement, mais un coeur dur, dur comme un caillou, comme une pierre, aucun câlin prodigué affectueusement, jamais la chaleur d'une main qui enserre une menotte, et rassure ; elle se souvient avec regret de cette époque, Camille, pas le moindre mot gentil, pas la moindre attention, ou si rarement.

La dureté de son coeur a entraîné la sècheresse des larmes. Je ne l'ai jamais vu pleurer.. aucune explosion de joie, aucune gaieté dans sa vie ni sur son visage. Que du drame ! des sourcils constamment froncés sur un air de commandement guidé par des gestes acérés, raides comme elle, aucun rondeur bienfaisante. Chez elle tout est compliqué, dans sa façon de se tenir, de marcher.

Elle n'écoute pas. Elle imposte, et ne cède pas. Jamais.

C'est pour maman une énorme déception, le signe qu'elle ne doit pas toujours lui faire confiance. Un grand chagrin s'installe puis s'éloigne dans ce souvenir d'enfance, espérant, déjà, inconsciemment, et dans un langage plus simple, rêvant peut-être, que les épreuves puissent la transcender, l'élever, par un dépassement de soi,, et transformer ainsi celle-ci en un vrai être humain sensible.

Mais pour l'instant, et en ce jour particulier, le sacrifice du manteau suscite chez maman une grande désillusion, une énorme tristesse.

Den

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