La semaine d'après, effectivement, ils se sont revus, puis d'autres dimanches, d'autres jeudis.
Et ce pendant un an.
Puis la rencontre avec la famille a été organisée, par un dimanche bien ensoleillé, à la Fromentane, ce qui a permis d'officialiser leur relation d'amitié devenue amoureuse, à la joie de Léon et Juliette, mes grands-parents, surtout de Juliette, qui n'avait qu'une seule fille et sept garçons. Une fille de plus n'étant pas pour lui déplaire !
A la joie de Léon et de Juliette donc, et à la satisfaction non feinte des frères, en grande partie célibataires.
Une aussi belle jeune fille venue d'ailleurs. On se pousse du coude, on rit sous cape, fiers de faire entrer, peut-être, dans sa famille, un tel bijou précieux, scruté avec tendresse et respect !
Cependant on aimerait bien être à la place du frère Justin.
Camille surmonte une petite timidité, un soupçon de trac ; ses joues rougissent un peu, mais ce n'est que du bonheur en réalité.
Justin présente sa famille nombreuse ; tous sont d'ailleurs là pour la circonstance, pour accueillir cette nouvelle venue. On lui pose des questions, on essaie de savoir, qui elle est, d'où elle vient, ce qu'elle fait à Aix...
Il y a les célibataires, quelques-uns sont mariés ou vont se marier, il y a Yves, Gustave, Elisée, Paul, Marcel, la seule fille Emilienne. On parle d'Aimé, encore à la guerre. Il y a les frères, des belles-soeurs, de jeunes bambins, tous blondinets.
Camille écoute les présentations par son futur fiancé, mais ne retient pas pour l'instant, et elle s'en excuse, leur ordre de naissance.
Elle entend des prénoms, elle entrevoit des visages, parfois timides, parfois enthousiastes, spontanés, si bien que sa gorge se noue à Camille, émue par tant de sollicitude.
Elle pense qu'elle se sentira bien dans cette nouvelle famille ; sa famille ; celle qu'elle va pouvoir construire avec Justin, puisqu'il en est question.
Le lieu lui plaît. C'est la campagne, comme là-haut..
On y vit simplement, et il y a de l'espace.
Parfois certains frères se mettent à parler patois entre eux, en s'esclaffant de rire, grivois. Elle ne comprend pas toujours leur langage, ou fait semblant de ne pas comprendre, puisque leur patois provençal n'est pas si éloigné du patois de la Haute-Loire qu'elle connaît.
Mais elle sourit quand même.
Elle ne retient pas leur attitude, quelque peu singulière, et souhaite à présent partir, il est temps.
Allez, Justin !
Elle suppose d'entrée, que Léon est le patriarche des lieux, le chef, comme c'était le cas à l'époque, en Provence particulièrement.
Mais elle oublie pour l'instant ce trait de caractère, comme elle ignore le tempérament du père qu'il fut, avant et pendant la guerre de 1914-1918, soucieux, prévenant pour ses petits, et lorsque séparé d'eux.
La vraie personnalité de Léon transpirera dans la correspondance échangée avec les siens, et qui a été retrouvée après son décès, et non celle entrevue apparemment par Camille lors de leur première rencontre.
Mais pour l'heure, Juliette a de nombreux enfants, et sa place n'est que secondaire, on peut dire même servile dans une existence patriarcale fort présente.
C'est une très jolie femme, et elle sent très vite la solidarité toute féminine qui peut s'installer entre elle et Juliette.
Camille, dont les yeux brillent, se sent entourée, embrassée, serrée de toutes parts, et son coeur se réchauffe ; elle sent plein de joie, de bons sentiments, des visages animés se pressent autour d'elle.
On les raccompagne, elle et Justin, jusqu'à la porte d'entrée.
Et si elle veut être réellement sincère, Camille, après cette première visite à la famille Léon G.... , elle doit reconnaître que son impression est positive, excitante même.
Tout chez eux est simple, naturel, sans chichi, et elle croit qu'ils vont bien s'entendre.
Léon est un homme d'un petit d'un mètre soixante, un peu rond, la casquette vissée sur le crâne dégarni. Un bon gaillard. Bourru, mais cordial.
Juliette, légèrement plus grande que Léon, plus mince aussi, mais vieillie avant l'heure par les grossesses successives, et déjà des mains ravagées par des rhumatismes articulaires déformants.
Elle peut Camille, quand elle le veut, revenir chez eux à la Fromentane.
Ils le lui ont dit. Et elle y reviendra bientôt, et souvent.
Den
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